Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/305

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de ce qu’on allait y ravir. Ainsi Ronsard cherche l’ode olympique, l’épopée ; mais comment pourrait-il créer des Iliades ? les Iliades sont achevées par ceux qui les font sans s’en douter, sans vouloir les faire ; le génie est éminemment inconscient ; ni les Homère ni les Dante ne font leur programme. Lui, au contraire, il en a fait un ; il s’est proposé un but, cela montrait assez qu’il ne l’atteindrait pas. Les conquérants eux-mêmes, ceux que Dieu a marqués du signe impérieux, n’accomplissent jamais l’œuvre qu’ils avaient rêvée, mais à leur insu, malgré eux, ils en accomplissent une autre, car à la Providence seule il appartient de faire des plans. À ce moment-là, tout étant épuisé, il fallait un grand homme dont la vie fût employée à l’ébauche d’une langue nouvelle, et qui entassât les trésors au hasard, n’ayant pas le temps de choisir ; ce héros martyr, sacrifié d’avance, fut Ronsard. Tel rêve de découvrir une Amérique et trouve un passage nouveau pour aller aux Indes ; tout en l’ignorant, il marchait vers sa destinée. Ronsard n’a pas ressuscité les Pythiques, et toutefois le luth de Cherouvrier, celui de Marie Stuart et ses chansons mises en musique par Jean de Maletty peuvent lui faire croire à la renaissance de la poésie chantée, comme les déesses du Louvre et