Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/381

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tout de suite pour la plus corrompue des femmes corrompues, — dans le mal, une perfection !

« Et je ne la calomnie point, n’est-ce pas, Rançonnet ?… Tu l’as eue peut-être, et si tu l’as eue, tu sais maintenant s’il fut jamais une plus brillante, une plus fascinante cristallisation de tous les vices ! Où le major l’avait-il prise ?… D’où sortait-elle ? Elle était si jeune ! On n’osa pas, tout d’abord, se le demander ; mais ce ne fut pas long, l’hésitation ! L’incendie — car elle n’incendia pas que le 8e dragons, mais mon régiment de hussards à moi, mais aussi, tu t’en souviens, Rançonnet, tous les états-majors du corps d’expédition dont nous faisions partie, — l’incendie qu’elle alluma prit très vite d’étranges proportions… Nous avions vu bien des femmes, maîtresses d’officiers, et suivant les régiments, quand les officiers pouvaient se payer le luxe d’une femme dans leurs bagages : les colonels fermaient les yeux sur cet abus, et quelquefois se le permettaient. Mais de femmes à la façon de cette Rosalba, nous n’en avions pas même l’idée. Nous étions accoutumés à de belles filles, si vous voulez, mais presque toujours du même type, décidé, hardi, presque masculin, presque effronté ; le plus souvent de belles brunes plus ou moins passionnées, qui ressemblaient à de jeunes