Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/401

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était faite aux désirs qu’elle allumait chez les hommes, qu’elle aurait ramenés en face d’elle de tous les horizons.

« — Bah ! — fit-elle lentement, quoique la teinte d’incarnat que je voulais boire sur son adorable et exécrable visage se fût foncée à la pensée que je lui donnais. — Bah ! vos frénésies à vous sont finies. — Et elle mit le cachet sur la cire bouillante de la lettre, qui s’éteignit et se figea.

« — Tenez ! — dit-elle, insolemment provocante, — voilà votre image ! C’était brûlant il n’y a qu’une seconde, et c’est froid.

« Et, tout en disant cela, elle retourna la lettre et se pencha pour en écrire l’adresse.

« Faut-il que je le répète jusqu’à satiété ? Certes ! je n’étais pas jaloux de cette femme : mais nous sommes tous les mêmes. Malgré moi, je voulus voir à qui elle écrivait, et, pour cela, ne m’étant pas assis encore, je m’inclinai par-dessus sa tête ; mais mon regard fut intercepté par l’entre-deux de ses épaules, par cette fente enivrante et duvetée où j’avais fait ruisseler tant de baisers, et, ma foi ! magnétisé par cette vue, j’en fis tomber un de plus dans ce ruisseau d’amour, et cette sensation l’empêcha d’écrire… Elle releva sa tête de la table où elle était penchée, comme si on lui eût piqué les reins d’une pointe de feu, se cambrant sur le