Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/84

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vous vous doutez bien qu’elle était éloquente ; et lorsque plus tard le calme me prit, moi, à force de danger affronté et de réussite, et que je lui parlai, comme on parle à sa maîtresse, de ce qu’il y avait déjà de passé entre nous, — de cette froideur inexplicable et démentie, puisque je la tenais dans mes bras, et qui avait succédé à ses premières audaces ; quand je lui adressai enfin tous ces pourquoi insatiables de l’amour, qui n’est peut-être au fond qu’une curiosité, elle ne me répondit jamais que par de longues étreintes. Sa bouche triste demeurait muette de tout… excepté de baisers ! Il y a des femmes qui vous disent : « Je me perds pour vous » ; il y en a d’autres qui vous disent : « Tu vas bien me mépriser » ; et ce sont là des manières différentes d’exprimer la fatalité de l’amour. Mais elle, non ! Elle ne disait mot… Chose étrange ! Plus étrange personne ! Elle me produisait l’effet d’un épais et dur couvercle de marbre qui brûlait, chauffé par en dessous… Je croyais qu’il arriverait un moment où le marbre se fendrait enfin sous la chaleur brûlante, mais le marbre ne perdit jamais sa rigide densité. Les nuits qu’elle venait, elle n’avait ni plus d’abandon, ni plus de paroles, et, je me permettrai ce mot ecclésiastique, elle fut toujours aussi difficile à confesser que la première nuit qu’elle était venue. Je n’en tirai pas davan-