Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/136

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« Rien de plus simple d’ailleurs que mon éloignement d’une famille qui ne comprenait rien à ce que j’étais et à ce que je pouvais devenir. Elle m’avait blessé dans mes ambitions, dans mon orgueil, dans tout ce qui fait la force de la vie plus tard. Je la quittai respectueux, mais ferme, mais décidé à ne plus m’appuyer que sur moi. J’étais bien jeune alors. Une éducation compressive avait pesé sur moi sans me briser. Quand j’ôtai mon âme de cette camisole de forçat, le bien-être des fers tombés me saisit comme une ivresse. Cela suffirait à expliquer la vie dissipée dont j’ai vécu. Un oncle, le chevalier de Marsse, que vous avez connu et qui, ancien cadet de famille, n’avait pas grand’chose, me donna pourtant tout ce qu’il avait, parce qu’il était mon parrain. Si peu que ce fût, ce peu garantissait mon indépendance pendant quelques années. Du reste, les chances de la vie ne m’effrayaient pas. Je suis naturellement aventurier. Ce mot-là révoltait l’autre jour la comtesse d’Artelles, lorsque je me l’appliquais. Il n’en est pas moins vrai. Je l’ai été dans ma vie. Je le suis dans mes facultés. J’aime les périls et les anxiétés cachés au fond des choses inconnues et des événements incertains. Toutes les difficultés m’attirent, et c’est peut-être cette disposition qui m’a fait aimer Vellini.