Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/150

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primable indolence. Elle me lança le même regard, du milieu de ses cils d’airain, qu’une première fois je n’avais pu lui faire baisser. Du reste, elle ne dit pas un mot, ne fit pas un geste. Elle écouta avec la plus humiliante indifférence pour mon amour-propre la phrase très aimable qu’improvisa le comte de Mareuil en lui apprenant qui j’étais.

« Pardon, marquise, si j’entre dans tous ces détails. Mais je crois qu’ils sont nécessaires pour faire comprendre ce qui va suivre.

— Vous avez raison, — dit la marquise, — n’omettez rien. Tout ce qui caractérise la femme aimée caractérise aussi le genre d’amour qu’on eut pour elle.

— J’eus beau la regarder avec toute l’impartialité qui était en moi, — reprit Marigny, — pour m’expliquer un peu davantage l’asservissement de mon pauvre ami de Mareuil, je restai dans mon opinion de la veille. C’était un visage irrégulier. Elle était vêtue d’une robe de coupe étrangère, de satin sombre à reflets verts, qui découvrait des épaules très fines d’attache, il est vrai, mais sans grasse plénitude et sans mollesse. On eût dit les épaules bronzées d’une enfant qui n’est pas formée encore. Ses cheveux, tordus sur sa tête, étaient retenus par des velours verts. Deux émeraudes brillaient à ses oreilles, et des brace-