Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/214

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toutes les lâchetés de la vie des femmes, extérieure comme une fille du Midi, elle éprouvait de mâles jouissances de fierté à projeter son amour au dehors d’elle. Où les autres femmes auraient placé leur abaissement, elle plaçait sa gloire. Elle eût volontiers écrit sur ses cartes de visite qu’elle était ma maîtresse. Combinaison singulière de soumission orgueilleuse et de caprice obstiné et despote ! Avec le monde, elle eût fait briller fastueusement à tous les yeux le collier de force sur lequel elle aurait aimé à graver mon nom ; et avec moi, tête-à-tête, au sein de l’amour le mieux partagé, elle l’aurait détaché de son cou, pour le mettre au mien !

« Nous passâmes à Paris toute cette première année d’une liaison qui devait durer dix ans. Comme tout homme ayant près de lui les mille satisfactions d’une passion qui a pris sa vie, je n’allais dans le monde que poussé, entraîné par mes amis. Je revenais vite auprès de Vellini. J’y revenais avide de tout son être, plus affamé que jamais de cette intimité, dans laquelle, l’un et l’autre, nous avions concentré nos désirs. Je la retrouvais, m’attendant toujours, à la place où je l’avais laissée, la ceinture détachée comme elle l’avait quand j’étais parti, les cheveux dénoués, plongée dans la torpeur de cette paresse sous