Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/236

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« Je lui pris la main et je m’assis près d’elle sur l’espèce de causeuse qu’elle occupait.

« — Nous ne nous aimons donc plus ? — dit-elle d’une voix et d’un air sombres.

« — Ma pauvre enfant, — lui répondis-je, — vous le savez aussi bien que moi que nous ne nous aimons plus ! C’est écrit jusque sur votre front. L’ennui vous accable. Rien ne vous tire de dessous… Moi, je sors (autrefois je ne sortais pas ainsi), je dépense mon activité dans les mille soins de la vie d’un homme. Mais vous qui restez seule à la maison, je vous retrouve un peu plus accablée, un peu plus morne à mon retour qu’à mon départ. Quand je rentre, vous ne m’interrogez pas sur mon absence. Autrefois, vous étiez inquiète, défiante, jalouse. Maintenant, non. S’il y a entre nous des violences, ce n’est plus que pour des motifs en dehors de l’amour. Contradictions qui se rencontrent dans toutes les existences partagées ! C’est douloureux et c’est vulgaire, comme tout ce que la passion n’anime et ne consacre plus !

« — Es verdadero ! — répondit-elle avec une triste effusion.

« — Eh bien, — repris-je, — séparons-nous ! C’est le seul moyen d’en finir noblement avec ces misères. Vous avez toujours été sincère. Vous ne ressemblez pas à votre sexe. Vous n’êtes point une créature faible qui ment. Séparons-nous ! nous