Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/85

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sourdement sur elle, — comme un froid basilic se couche à la place où il a tout englouti…

Pour aimer cet être changeant, beau et laid tout ensemble, il fallait être un poète ou un homme corrompu. Le vieux vicomte n’avait pas en lui un grain de poésie. Aussi ne comprenait-il rien aux éclairs de passion qui passaient sur Vellini ; mais, comme il était corrompu, blasé et vieux de civilisation et de sens, il s’expliquait très bien qu’on pût s’arranger de toute cette laideur.

« Eh bien ? comment allons-nous, déesse du caprice ? — fit-il, avec une aisance familière, en s’asseyant dans un grand fauteuil pendant qu’Oliva disparaissait.

— Vous êtes aussi capricieux que moi, monsieur le vicomte, — dit la señora, comme un enfant gâté qui s’éveille. — Vous veniez me voir autrefois. Vous veniez souvent. Vous aviez l’air de tenir à moi, mais baste ! un beau jour, vous disparaissez on ne sait pourquoi, et on ne vous revoit… qu’aujourd’hui.

— J’ai été aux Eaux, ma petite, — reprit le vicomte, — de manière que… — Aux Eaux, sans bouger, pendant deux ans ! — interrompit la señora en éclatant de rire. — Vous vous moquez de moi, vicomte ; ou c’est une excuse d’après dîner !

— D’après dîner ! Comment cela ? — dit le