Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/104

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autres que par des fils faciles à couper ; il y avait entre les Bleus et lui un sentiment d’amour-propre excité et blessé, plus redoutable encore, à ce qu’il semblait, que l’implacable haine de Bleu à Chouan !… La guerre entre eux était plus que de la guerre, c’était de la chasse ! C’était le duel que vous connaissez, monsieur de Fierdrap, entre la bête et le chasseur ! Déjà plus d’une fois, racontait-on dans les cabarets et les fermes du pays, dont cet homme est peut-être encore la légende, il avait été sur le point d’être pris. On lui avait tenu, disaient les paysans narquois, la main diablement près des oreilles… On rapportait même un fait, mais celui-là était avéré (il avait eu la notoriété d’un combat en règle), c’est qu’une fois, au cabaret de la Faux, dans les terres entre Avranches et Granville, il s’était battu, seul, contre une troupe de républicains, enfermé et barricadé dans le grenier du cabaret, comme Charles XII à Bender, et qu’après avoir tiré toute la nuit par les lucarnes et mis par terre une soixantaine de Bleus, il avait disparu au jour, par le toit… On ne savait comment, disaient les femmes dont il frappait l’imagination superstitieuse, mais comme s’il eût eu des ailes au dos et sur la langue du trèfle à quatre feuilles !

Ainsi, il n’était pas un farfadet que sur la