Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/107

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rable coup d’épée dans l’aine, le croira-t-on ? sans profondeur. Je l’ai vu cracher le sang six mois et mourir épuisé comme une fille pulmonique, avec une poitrine qui ressemblait à un tambour ! Juste savait, à n’en pouvoir douter, que Des Touches était pris, mais il ignorait encore comment il avait été pris. Avec un pareil homme, nous dit-il, et nous pensions comme lui, il fallait qu’il y eût eu de la trahison !

Il y en avait eu, en effet, je l’ai su plus tard, et ce fut même là, comme vous le verrez, une bonne occasion pour juger du granit coupant qu’avait dans le ventre ce beau et délicat Des Touches, qui m’avait fait un instant peur pour Aimée, quand, à ses rougeurs incompréhensibles, je m’étais imaginé qu’elle pouvait l’aimer !

— Un homme comme Des Touches, dit M. Jacques, ne peut jamais être pris, tant qu’il y a un chouan debout, avec un fusil et une poire à poudre.

« Il n’en faut pas même tant, fit tranquillement Juste. Avec nos seules mains vides, nous le reprendrions ! »

C’était dans les environs d’Avranches que Des Touches avait été enveloppé et saisi par une troupe tout entière, on disait tout un bataillon, et c’est dans la prison de cette ville