Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/109

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que, dans l’intérêt de notre cause et de ses défenseurs, nous avions fait de Touffedelys ; et si je ne vous le disais pas, mon histoire serait incomplète. Nous avions transformé ce vieux château démantelé, sans pont-levis et sans herse, qui n’était plus depuis longtemps un château-fort, mais qui était encore une noble demeure, en un château humilié et paisible auquel la République pouvait pardonner. Nous en avions fait combler les fossés, baisser les murs, et si nous n’en avions pas abattu les tourelles, nous les avions du moins découronnées de leurs créneaux, et elles ne semblaient plus que les quatre spectres blancs des anciennes tourelles décapitées ! Partout où elles brillaient autrefois, sur la grande façade du château, dans les coins des plafonds, sur les hautes plaques des cheminées, et jusque sur les girouettes des toits, nous avions fait effacer ces armoiries charmantes et parlantes des Touffedelys, qui portent, comme vous le savez, de sinople à trois touffes de lys d’argent, avec la devise au jeu de mots héroïques : ils ne filent pas. Hélas ! les pauvres lys, ils avaient filé ! Ils s’en étaient allés jusque de ce jardin où, de génération en génération, on en cultivait d’immenses corbeilles qui faisaient de loin ressembler le vaste parterre à une mer couverte de l’albâtre de ses écumes ! Nous