Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nante. Quand Aimée revint seule à Touffedelys, ah ! elle fut bien de Spens !… Elle fut bien d’une race où les femmes ne pleurent pas, parce que les hommes sont à la guerre ! Nous ne lui surprîmes pas une larme, mais son front d’aurore était devenu pâle comme l’écorce d’un bouleau. J’en eus plus pitié que les autres. Vous savez, j’étais la chirurgienne-major. Je savais toucher les blessures. Pour donner de la force à ce cœur qui saignait et ne se plaignait pas, je lui dis sans savoir ce que je disais, et comme si j’avais eu le sort dans ma main, mais ce n’est jamais qu’avec des mots insensés qu’on peut apaiser les âmes folles !

« — N’ayez peur, Aimée ! dans quatre jours, ils seront tous ici pour votre mariage, et Des Touches sera votre témoin ! »

Dieu de ma vie ! à ce mot de témoin, de la pâleur de l’ivoire vert son teint passa comme un éclair à la pourpre d’un incendie. Son front, sa joue, son cou, ce qu’on apercevait de ses épaules, jusqu’à la raie nacrée de ses étincelants cheveux d’or, tout s’infusa, s’inonda de ce subit vermillon de flamme ; et c’était à se demander si tout ce qu’on ne voyait pas de sa personne se colorait comme ce qu’on voyait, tant cette rougeur semblait partout ! tant elle en était immergée !

C’était toujours la même question. Pour-