Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son histoire oppressait, s’arrêta une minute pour reprendre haleine ; mais l’abbé et le baron, pris par l’histoire, restèrent silencieux. Ils ne plaisantaient plus.

— Et si je vous parle ainsi de cette femme, monsieur de Fierdrap, reprit mademoiselle de Percy, si je m’arrête un instant sur cette créature qui était peut-être une scélérate, mais qui ce jour-là eut aussi, comme les Douze, sa grandeur, c’est que cette femme fut la cause unique du malheur des Douze dans cette première expédition. Sans elle, et sans elle seule, notez bien ce mot-là, pas le moindre doute que les Douze, qui mirent si effroyablement Avranches sens dessus dessous, dans ce jour dont on se souviendra longtemps, n’eussent repris le chevalier Des Touches ! Pour moi, je le pense, ils auraient réussi. Mais elle leur opposa une volonté aussi forte que ces murailles de la prison qui étaient des blocs de granit. Vinel-Aunis avait essayé de l’enivrer, il essaya de la corrompre. Il s’y prit avec elle comme on s’y prend avec tous les geôliers de la terre depuis qu’il y a des geôliers ; mais il trouva une âme imprenable parce qu’elle était gardée par la haine, et la plus implacable et la plus indestructible des haines, celle qui est faite avec de l’amour. La Hocson avait eu son fils tué par les chouans ; non pas tué au