Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/142

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— C’est à nous de commencer la danse ! — dit gaiement Juste Le Breton à La Varesnerie.

Et ils entrèrent tous deux sous une des tentes de la foire où il y avait le plus de monde et où l’on buvait. Ils y entrèrent nonchalamment, mais ils avaient leurs bâtons gauffrés à la main. Autour d’eux on n’avait nulle défiance. Le monde qui était là resta, les uns assis, les autres debout, quand Juste Le Breton, s’approchant de la grande table de ceux qui buvaient, coucha délicatement son bâton sur une rangée de verres pleins jusqu’aux bords, et dit de sa voix, qu’il avait très claire :

— Personne ne boira ici que nous n’ayons bu.

Tout le monde se retourna à cette voix mordante, et les deux blatiers devinrent le point de mire de mille regards, où l’étonnement annonçait une colère qui n’était pas loin.

— Es-tu fou, blatier ? dit un paysan. Ôte-moi ton bâton de delà ! et garde-le pour défendre tes oreilles. — Et prenant par le bout le bâton que Juste avait couché sur la rangée des verres, mais qu’il tenait toujours par la poignée, il l’écarta.

C’était là l’insulte que Juste cherchait. Il