Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/159

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il n’y a qu’un moment, mon frère, et de mes grandes bottes à la Frédéric, — ajouta-t-elle avec la seule coquetterie qui lui fût possible, la coquetterie d’avoir porté de pareilles bottes ; — mais ce jour-là votre sœur, mon frère, la cousine des Northumberland, était tout simplement une beurrière des faubourgs de Granville. Oui, voilà ce qu’était, pour le quart d’heure, Barbe-Pétronille de Percy-Percy !

— Barbe, sans barbe ! dit l’abbé, qui se prit à rire, mais digne de la porter.

— Elle m’est venue depuis, dit-elle en riant aussi, mais trop tard, depuis que je n’en ai que faire et que j’ai repris, pour ne plus les quitter, ces ennuyeux jupons, qui me vont à peu près comme à un grenadier. Je n’avais alors qu’un petit bout de moustache brune qui, avec ma figure à la diable, me donnait l’air assez dur sous ma serviette pliée en quatre et justifiait le mot d’un drôle d’Avranches, qui faisait les beaux bras au marché et qui se permit de mettre ses deux mains autour de ma grosse taille. Je lui avais allongé sur les doigts le meilleur coup du manche de mon couteau à beurre.

— Ne fais pas tant ta mijaurée ! m’avait-il dit furieux ; il n’y a pas de quoi. Après tout, tu n’es pas si fraîche que ton beurre, la grosse mère.

— Mais je suis plus salée ! lui répondis-je