Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/161

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prendre à nos amis ce changement de prison de Des Touches, qui le plaçait plus loin de notre portée et dans des conditions de captivité plus dures à surmonter que les premières, car à la guerre, toute tentative, avortée une fois, devient plus difficile de cela seul qu’elle a avorté : l’ennemi est prévenu, il veille davantage. M. Jacques avait dit la pensée de tous ses compagnons, en disant qu’il fallait recommencer l’entreprise.

— Messieurs, ajouta-t-il, prenez aujourd’hui pour panser vos blessures. Nous tâcherons de les rendre à l’ennemi demain. Il faut que dans deux jours nous soyons sous Coutances, pour rejouer la partie que nous avons perdue. Coutances est une ville plus forte qu’Avranches, et nous sommes, nous, moins forts que nous n’étions… Nous ne sommes plus que onze…

— Vous êtes toujours douze, monsieur, lui dis-je. Onze est un mauvais compte. Il nous porterait malheur. Puisque M. Vinel-Aunis n’est pas revenu, je m’offre pour le remplacer. Dame ! je n’ai jamais été la plus belle fille du monde, mais la plus belle ne donne encore que ce qu’elle a ! »

Et c’est ainsi, baron, que je fis partie de la seconde expédition des Douze, et que je vis, de mes deux yeux, qui ne reverront jamais pareilles choses, ce qui me reste à vous conter.