Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/171

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plus ni églises, ni prêtres, d’attendre des jours meilleurs pour ratifier et consacrer l’engagement solennel que je contracte aujourd’hui, j’ai voulu au moins devant vous, qui êtes chrétiens et gentilshommes, — et des chrétiens, en temps d’épreuve, sont presque des prêtres, — jurer, en pleine liberté d’âme, obéissance et fidélité à M. Jacques et lui engager ma foi et ma vie. »

Ils se tenaient tous deux, l’un à côté de l’autre, elle splendide, et lui comme éclairé de sa splendeur.

— Et, dit-elle avec la tristesse du regret, il n’y a pas seulement une croix sur laquelle je puisse prononcer mon serment !

— Si, madame ! reprit fougueusement Beaumont, qui eut une idée de soldat.

— Croise ton épée avec la mienne, » dit-il à la Varesnerie, qui était en face de lui.

Et ils les croisèrent. Et cela fit une croix.

Et devant ces deux lames nues entrecroisées, qui pouvaient être rouges dans quelques heures, Aimée de Spens et M. Jacques se jurèrent l’un à l’autre ce qu’ils se seraient juré devant un autel, si à Touffedelys il y avait eu un autel encore. Et tout cela fut si rapide et si sublime dans sa rapidité, monsieur de Fierdrap, qu’après trente ans, ce moment-là m’est resté flamboyant dans la pensée, comme l’é-