Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout ce qui n’était pas la muraille du moulin et ses ailes était de ce bleu pimpant et joyeux, qui paraissait plus clair dans le bleu plus foncé du ciel et dans cette chaude lumière que lui envoyait un soleil de cinq heures du soir qui ne le dorait pas encore. Pourquoi tout ce bleu inconnu aux moulins à vent de la Normandie ? Était-ce pour justifier le jeu de mots, recherché de tous les populaires ? C’était le Moulin bleu, c’est-à-dire le moulin qui n’était pas blanc ! Le moulin patriote ! La porte coupée faisait en même temps porte et fenêtre, et la partie qui faisait fenêtre était ouverte. Du reste, personne ! ni meunier, ni meunière ; rien que le moulin dans son large tournoiement solitaire, dont la rotation semblait s’accomplir au fond d’un sac d’ouate, tant elle glissait dans le silence ! et dont les ailes, courant, comme les heures, les unes après les autres dans ce tournoiement placide et mesuré, ne tremblaient même pas !

Ce ne fut pas long, ce silence… Un pizzicato de violon s’entendit, et passa par la porte à moitié ouverte. Maigre et aigre, c’était une chanterelle qui s’éveillait sous une main qui dormait encore… une main de meunier qui a de la farine de son moulin dans les oreilles, et qui pour cela ne s’entend pas !

— « Quel bon air a ce moulin de la trahison !