Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/226

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peut-être d’aller de la côte de France à la côte d’Angleterre à la nage ?

— On pourrait y aller, me dit-il sérieusement. Qui sait s’il ne s’en sentait pas la force ? — Mais, mademoiselle, s’il n’y a pas de planches sur la grève, il y en a dessous. »

Alors nous connûmes la prudence et l’esprit de ressource de cet homme né pour la guerre de partisan. Il avait cette mémoire des lieux qui fait le pilote, et il ne l’avait pas que sur la mer. Il s’orienta sur le sol où nous étions, et tira de la ceinture de sa jaquette une serpette, qu’il avait prise dans le moulin sans doute, car les Bleus n’auraient pas osé laisser à un pareil homme seulement la pointe d’une lame de couteau, et il se mit avec cette serpette à creuser le sable, comme font les pêcheurs de lançon.

— On ferait mieux de dire les chasseurs, interrompit M. de Fierdrap, sérieux comme un dogme. Je n’ai jamais compris la pêche sans de l’eau. »

En quelques secondes, reprit la conteuse, Des Touches eut déterré une bêche et dix minutes après, il eut déterré son canot. C’est lui-même qui l’avait ensablé à cette place lors de son dernier débarquement. C’était sa coutume, nous dit-il. Il ne se confiait jamais à personne.

Obligé d’entrer dans les terres pour y porter à tel ou tel endroit les dépêches dont il était