Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/97

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plus ardente, elle avait aussi son côté femme : la mélancolie. Les hommes mélancoliques me sont insupportables. Je les trouve moins hommes que les autres hommes. M. Jacques était ce qu’on a appelé longtemps un beau ténébreux. Or, je suis de l’avis de cette coquine de Ninon qui disait : « La gaieté de l’esprit prouve sa force. » Je me moque de l’esprit… et je n’y tiens pas, mais cela est certain que la gaieté est un courage… un courage de plus ! M. Jacques, que ces dames, qui ne pensaient pas comme moi, appelaient, à Touffedelys, pour le poétiser, « le beau Tristan », m’aurait donné sur les nerfs, avec son impatientante mélancolie, — si une grosse fille de mon calibre pouvait avoir des nerfs ! Que voulez-vous ? il faut pour moi que les héros eux-mêmes soient de bonne humeur et rient à la figure de tous les dangers.

— Oh ! vous avez toujours été, mademoiselle de Percy, — fit l’abbé, — un vrai Roger Bontemps, qui, dans une autre époque qu’une époque de révolution, aurait inquiété sa famille. Ce n’était pas seulement des héros qu’il vous fallait à vous, c’étaient des lurons d’héroïsme ! Dieu a bien fait de vous faire laide, et tous les matins, je l’en remercie à la messe ; car peut-être l’honneur des Percy eût-il couru grand risque, sans cette précaution.

— Riez toujours ! riez, allez, mon frère, ré-