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PRÉFACE V

l’époque où l’âme française venait de découvrir la mystérieuse poésie du Nord, — Byron et Jean-Paul, Shakespeare et Gœthe, — l’époque où la prose magique de Chateaubriand, les vers brillants de Lamartine et les rêveries de Lélia enchantaient les âmes, et déjà le siècle qui devait finir par de si cruelles banqueroutes semblait pressentir les futurs désastres par un je ne sais quoi d’angoissé même dans sa première espérance. Il y avait bien de la confusion dans les têtes d’alors, mais aussi bien de la noblesse. Un peu de toutes les ardeurs troublées de cet âge se respire dans le poème qu’on va lire. Le choix seul des noms suffirait à en dater la composition. L’auteur, qui s’est peint lui-même tel qu’il se rêvait en ces temps-là, s’est appelé Altaï. Son ami de collège, le poète du Centaure, Maurice de Guérin, est nommé Somegod (Quelque Dieu !) et la femme qui traverse le récit et qui est une « fille de race déchue », comme eût dit le Sainte-Beuve de Volupté, une « Chananéenne », est désignée par le nom qui donne son titre au morceau : Amaïdée. (Ajoutons que d’après les confidences de M. d’Aurevilly lui-même, une aventure réelle sert de base à ce récit, un de ces essais de réhabilitation, songe naïf de tous les artistes jeunes ; mais cette aventure