Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/32

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nature de tous ces faons blessés et qui fuient emportant le roseau empenné dans les bois. — Mais souvent, après ce vent mordant et froid, ce vent habituel des rivages, des terres cultivées et des collines parfumées qui s’étendaient à la gauche de la falaise, une haleine plus douce lui venait, comme si la Nature se fût repentie, comme si, apaisée par de l’amour, elle avait eu peur de toucher trop fort son délicat et bel Alcibiade, qui n’avait pas, comme l’autre, jeté sa flûte dans les fontaines, mais qui l’avait gardée pour elle.

Un jour, il était venu des villes — on ne savait d’où — et il s’était retiré sous ce chaume désert et depuis longtemps abandonné, comme un oiseau de plus au milieu de tous ceux qui posaient leurs pieds sur cette falaise où il avait trouvé son nid, — nid sans œufs et sans douce couvée ; car, plus sauvage que les aigles eux-mêmes, Somegod n’avait pas de compagne qui lui peuplât sa solitude. Si quelque jeune fille des pêcheurs, quelque belle et hardie créature, libre comme l’air vif de la montagne, bondissante et pure comme la mer, blonde comme les grèves environnantes, passait près de lui aux pentes de la falaise, aux sinuosités de la baie, Somegod ne