Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/55

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chait quelque imperceptible agrafe à la robe, comme l’aurait pu faire une humble servante. Le Poète, arrêté sur le seuil, ne se mit point à sourire de la simplicité de ce détail. Ce sont les hommes grands et forts qui ont la grâce des petites choses. Ils mettent dans les riens une amabilité à faire pleurer. Ô vous qui disiez que l’âme se mêle à tout, vous aviez bien raison, ô grande pythonisse à la lèvre entr’ouverte ! Il y a des maternités plus ineffables que celles des mères, des grâces plus grandes que celles des femmes, dans l’homme pâle et grave qui pose un châle sur des épaules ou qui lace un brodequin défait.

— « Amaïdée, c’est notre hôte », — dit Altaï en relevant la tête. Il venait d’achever son travail. L’agrafe avait fixé la robe sur le sein de la femme, qui se tourna vers le Poète en lui disant un bonjour déjà familier. Somegod put mieux juger de la beauté qui l’avait frappé d’abord en Amaïdée quand il l’avait vue pour la première fois. Les nattes de ses cheveux n’étaient plus souillées de poussière, le teint noirci de la sueur du voyage, le front maculé de ces grandes taches d’un roux âcre et livide que l’on doit à