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gnement les Dieux qu’avec du marbre. Amaïdée, Altaï, Somegod, étaient un peu plus que ces mariniers hâlés et nerveux qui s’agitaient au bas de la montagne et au bord des ondes, sous les rayons du soleil levant que défiait la nudité de leurs poitrines. À eux trois ne représentaient-ils pas l’Amour, la Poésie et la Sagesse ?

Ils passèrent cette journée et les suivantes à errer le long des rivages et à vivre de cette existence qui était vague pour Altaï et Amaïdée, et qui n’était profonde que pour Somegod ; car, pour que les choses extérieures entrent dans l’homme, il faut être accoutumé à les contempler longtemps, et l’on n’en conquiert pas l’intelligence avec un regard léger comme les cils d’où il s’échappe. — Somegod faisait pour ainsi dire à ses hôtes les honneurs de la Nature. Altaï n’avait pas repris la douloureuse conversation du premier matin. Amaïdée, muable sensitive, avait oublié les impressions cruelles qui avaient chargé son œil de pleurs et son front de tristesse. Entre la femme et l’enfant, il n’y a que la différence d’une émotion. Quand l’émotion grandit, l’enfant devient femme ; quand elle diminue, la femme redevient un enfant : elle se rapetisse, comme