Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/65

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Tout se tient, tout s’enchaîne, tout est un dans l’homme et dans la Nature : la vie de l’âme est aussi mystérieuse que la vie du corps ; mais c’est également de la vie. Ceux qui ont gravi une montagne savent quel poids on laisse toujours au pied. Ils savent que nous n’emportons pas au sommet les soucis cruels qui nous rongent ; ils savent que cet air plus éthériel que l’on respire nourrit mieux la substance humaine. Ô vous qui avez un gosier de rossignol et des ailes d’aigle, oiseaux si merveilleux que l’homme vous a si souvent niés, ô Poètes, grands artistes, mille fois fils d’Apollon amoureux de sa sœur divine ! et toi, ô Nature ! ne nous l’avez-vous pas appris ? — Nature ! mère des Dieux et des hommes, comme disait le Panthéisme ancien, quand nous avons usé nos vies en pleurs amers et en soupirs insensés, quand l’âme répandue tombe à travers nos doigts dans la poussière, que c’est une horreur de ne la pouvoir ramasser et que devant la dernière goutte qui échappe et qui va sécher nous restons éperdus et prêts à mourir, oh ! rejetons-nous à tes mamelles, ô notre mère ! pour ne pas mourir. Nous y retrouverons le lait jamais tari des émotions saintes ! nous jetterons, pour nous rajeunir, et nos amours,