Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/27

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dans un seul baiser, une même étreinte, un seul amour, oh ! n’est-ce pas là le plus ineffable des bonheurs que l’imagination invente. Et pourtant c’est de l’expression qui dit tout cela que le monde a fait un cachet de mépris qu’il jette à deux noms, les hommes à voix haute, les femmes à voix basse, quand un seul de ces noms est prononcé devant lui.

C’était le mot comme le monde l’avait fait, c’était ce mot seul, et non un autre, qui exprimait bien maintenant la relation de Dorsay et d’Hortense. La malheureuse s’était enfin aperçue que Dorsay n’avait plus d’amour pour elle. Hélas ! ce n’était pas bien difficile. Que de fois il abrégea les heures qu’il lui donnait autrefois sans compter ! Que de fois il repoussa la caresse comme inopportune, — charmante familiarité d’outrage que l’intimité appelle un mouvement d’humeur et qui se grave en traits de feu dans l’âme d’une femme quand elle en a encore. Mais Hortense n’en avait plus ; elle en avait fait un tapis pour les pieds de son maître, elle l’avait étalée sous ces pieds qui la foulaient à plaisir. La passion l’avait dépravée. Elle souffrait horriblement, néanmoins elle pleurait à s’en battre les yeux jusqu’à mi-joues. L’idée que Dorsay ne l’aimait plus était un poinçon dont incessamment elle