Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/42

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que jamais en parcourant cette triple ligne de femmes, — lasses, penchées, assises, roulées dans leurs cachemires rouges, bleus, orange, et secouant d’impatience ou de langueur leurs têtes défrisées d’où s’exhalait cette odeur sensuelle des fleurs mêlée à la sueur, vapeur suave et chaude comme l’héliotrope, qui s’élevait non comme d’un bain, mais comme d’une fournaise de parfums.

Hortense n’attendit pas la fin du bal pour demander sa voiture. Elle se retira de bonne heure, après avoir prétexté une indisposition subite à son mari qui resta.

À peine était-elle rentrée chez elle et déshabillée qu’elle s’établit au coin de son feu, fit approcher d’elle une table de bois de citronnier sur laquelle gisait une lettre commencée, et, sa femme de chambre renvoyée, elle appuya son coude sur sa table, son front dans sa main, et se tint ainsi toute rêveuse.

Avez-vous quelquefois, Maria, laissé, comme Hortense, le bal dans tout son éclat, dans toute sa fougue, et — caprice — éprouvé le besoin du repos après tant de bruit ? Avez-vous quelquefois abandonné la fête au plus fort de la mêlée pour retrouver la chambre en désordre que vous aviez quittée impatiente de l’heure qui allait sonner ? Vous êtes-vous