Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/23

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parler aujourd’hui, sans qu’on vous jette une soutane sur la tête pour mieux enterrer vos admirations arriérées ! En plaçant l’examen de la doctrine de saint Thomas d’Aquin parmi les examens de son programme, l’Académie a obéi, volontairement ou involontairement, à cet esprit historique qui est la force de cette époque sans invention et livrée à tous les rabâchages de la vieillesse !

Quand le génie de l’invention s’éteint, le génie de l’histoire s’éveille, et c’est ce génie de l’histoire qui devra, dans un temps donné, ramener avec respect les yeux des philosophes officiels sur les idées et les systèmes honorés le plus longtemps de leur mépris. Quoi qu’il en puisse être, du reste, réjouissons-nous de ce qui arrive. Réjouissons-nous de ce que, grâce à l’initiative de l’Académie, nous puissions parler, sans être moine et à d’autres qu’à des moines, d’un des plus grands esprits du temps passé, qui eut le malheur moderne d’être moine. En d’autres termes, disons qu’il est heureux que saint Thomas d’Aquin rentre par cette petite porte dans le monde qu’il a autrefois rempli de sa renommée, — et par cela seul qu’il s’est trouvé à Paris, en l’an de grâce 1858, un monsieur Jourdain à couronner !

Et ce n’est point une ironie. N’allez pas croire que nous voulions rire de ce monsieur Jourdain qui fait de la prose, mais qui le sait…

N’allez pas vous imaginer que nous nous inscrivions en faux contre sa couronne. Non pas ! Il la mérite et il l’a méritée si bien qu’on s’étonne quand on connaît le train infortuné de tous les mérites, que l’Académie la lui ait donnée. Ce que nous voulions seulement