Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/290

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sentimentale qui a d’énormes prétentions à l’analyse et à la profondeur. C’est là le fond du livre que cette traduction et que cette préface. Seulement on a mis dans le titre, comme un éclatant pavillon propre à couvrir la marchandise, ce fragment déjà ancien de Mme Guizot sur Abailard et sur Héloïse, et que M. Guizot, par piété conjugale, a terminé. Nous dirons tout à l’heure ce que nous pensons de M. Oddoul. Mais quoique M. et Mme Guizot appartiennent par plus d’un endroit aux doctrines qui sont sorties de l’insurrection spirituelle qu’Abailard commençait au Moyen Age, si réellement la Philosophie ne s’était pas glissée dans la publication présente et n’avait pas projeté d’imprimer la marque de son ergot dans ce livre de moralité sensible, si vraiment on n’avait pensé qu’à peindre et à juger une passion qui a jeté des cris et laissé son sang dans l’histoire, on n’eût pas troublé l’unité de la compilation qu’on édite par l’insertion de documents, étrangers au but d’étude morale qu’on voulait atteindre. On n’y trouverait pas, par exemple, l’insolente apologétique de Béranger, l’écolâtre, contre saint Bernard, l’illustre défenseur de l’Église ; et si on l’y avait placée, on n’y aurait pas, du moins, soigneusement oublié, comme on l’a fait, les lettres de ce même saint Bernard, qui fut l’arbitre suprême et obéi dans une querelle dont on raconte l’histoire, en l’oubliant !

Mais il est une preuve plus frappante et plus intime encore, qu’on tirerait aisément de l’inspiration même du recueil de M. Didier et non de quelques-uns de ses détails. Après l’avoir lu, personne ne contestera que ce livre ne soit une espèce d’apothéose du double sentiment