Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/337

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siècle, et qu’il définit aujourd’hui, à la dernière page de son livre « la liberté par les institutions. » « L’utopie, nous dit-il, tourne, depuis deux mille ans, dans le même cercle sans rien produire », comme si l’utopie n’était pas essentiellement de la philosophie politique ! et il ajoute, par une opposition qu’il est difficile de comprendre : « La philosophie politique ne vogue pas sans boussole sur cette mer des destinées où Dieu lui apparaît comme pôle et la vraie liberté pour port. » Mais l’utopie aussi a parlé ce langage. Elle l’a parlé quand elle a manqué de tempérament ou de bravoure. Elle est restée aussi, comme une sage petite fille, les yeux baissés et les mains jointes sur sa ceinture, dans cette idée prude ou hypocrite d’une vraie liberté, et elle a mis Dieu par-dessus, mais quel Dieu ? Voilà le nœud de toute l’affaire. Le Dieu de M. de Beauverger ne serait-il que le Dieu du Vicaire savoyard de Jean-Jacques, et parmi tant de libertés fausses, qu’elle est donc sa vraie liberté ?…


IV

C’est là ce que le livre de M. de Beauverger n’a pas dit. Fadeurs et fadaises ! Disons, nous, quelque chose que les esprits, impatients de netteté et de consistance, puissent au moins saisir. Il n’y a que deux économiques en présence ici-bas, celle de la tradition et celle des rêveurs, et, dès leur à priori, elles s’opposent. L’économique de la tradition place la richesse dans le monde en germe et dans le ciel en fleur.