Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/392

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observer et conclure. Hippocrate, en effet, ce vieillard divin, — car l’Histoire, pour honorer ce grand observateur, n’a trouvé rien de mieux que de l’appeler comme le vieil Homère — avait reconnu l’immutabilité des maladies, quand il s’écriait avec le pressentiment d’une révélation : « II y a là quelque chose de Dieu (quid divinum) », et quand aussi Démocrite, tenant de plus près la vérité, écrivait ce mot singulier : « L’homme tout entier est une maladie », comme s’il eût deviné ce dogme de la Chute, après lequel il n’y a plus rien à l’horizon de l’Histoire ni à l’horizon de l’esprit humain !

C’est cette immutabilité des maladies, niée et méprisée comme tant de grandes traditions, à cette heure, que M. Tessier a osé relever et soutenir. Il a choisi cette forte thèse parce qu’il l’a rencontrée sur la route de ses déductions, mais surtout parce que, triomphante, elle entraînerait la ruine du matérialisme, — sa ruine définitive, — sans que dans ses débris il pût retrouver une pierre pour se faire un bastion. L’immutabilité des maladies s’explique par les prédispositions morbides ; les prédispositions morbides, par une hérédité qui, elle-même, confine à un état antérieur dont l’homme n’est sorti qu’en se laissant criminellement tomber. Tout cela n’est pas nouveau ; mais rappelez-vous le mot de Pascal, vous qui avez au moins le respect des noms écrasants, et taisez-vous ! Le nœud de notre condition, écrivait le penseur terrible, prend ses retours et ses replis dans cet abîme, de sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n’est inconcevable à l’homme. Provoquer par des livres supérieurs, comme l’est celui de M. Tessier, le