Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/455

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ce n’est pas assez dire ! comme une Célimène en fleur !

Mais l’herbe fut coupée bien tendre ; mais la fleur fut coupée à peine entr’ouverte, et toutes deux, à ras de terre, par une faux qui est celle de l’amour, — de cet amour fort comme la mort et qui tranche l’âme comme la mort tranche la vie. Elle en avait senti le fil de feu s’abattre sur elle et sur son frère, à la lecture de la Vie des Saints. Aussi tous les deux, après cette lecture, s’en étaient-ils allés chercher le martyre, au pays des Maures. Rattrapés par leurs parents sur ce grand chemin du martyre au bout duquel ils l’auraient peut-être trouvé, ils se rabattirent à être ermites. Folies touchantes, héroïsme naïf et printanier d’une enfance où le laurier a odeur de rosé et la rosé odeur de laurier ! ces deux Rêveurs, d’âge de page, tous les deux, mais qui voulaient l’action, — et quelle action ! — au sortir de leurs rêveries, gardèrent en eux ce grand et précoce amour du Dieu qui les fit plus tard des Saints l’un et l’autre. Mais Térèse en particulier, Térèse surtout fut payée de ses premières folies pour Dieu, en recevant de lui le don de toutes les sagesses.

Elle devint, cette fille coquette, innocemment coquette, qui aimait le monde et les propos du monde, elle devint une épouse ardemment chaste et tendrement austère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, une carmélite incomparable, qui, ne trouvant pas son ordre assez sévère, le réforma et le mit pieds nus. Elle devint cette petite fourmi, comme elle s’appelle avec une grâce d’humilité délicieuse en une femme qui avait le cœur plus grand que tous les mondes, parce que Dieu, en l’