Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/59

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il ait eu, comme orateur, ses deux à trois moments sublimes, Donoso Cortès, ni dans le journal ni à la tribune, n’a été un de ces voyants à distance, qu’on nous passe le mot, un de ces prophètes de longueur qu’il faut forcément être, si, comme orateur ou comme journaliste, on a la prétention, que je trouve un peu forte, de ne pas mourir.

Dans ses Lettres sur la France en 1851, il parcourt, jour par jour, le cercle que toutes les intelligences de ce temps, quand elles n’étaient pas folles, ont pu parcourir, mais je ne vois rien là de prédominant et de supérieur.

Les événements lui donnent dans les yeux de leur impalpable cendre de chaque jour et font ciller ses mélancoliques paupières, qui n’ont pas l’immobilité de celles de l’aigle… Lorsqu’ailleurs, je crois, sur cette immense et noire tenture de mort dans laquelle il voit l’Europe enveloppée (et qui l’est… peut-être), il se mêle de découper de petites prophéties spéciales, il ne réussit pas. Il manque son coup… « Si la Russie, dit-il, entre en Allemagne, il n’y a plus qu’à accepter, en y ajoutant, le mot de Napoléon : l’Europe sera républicaine ou cosaque… si elle n’est catholique », et pourtant rien de tout cela n’est arrivé. La peur comme l’espoir voit plus grand que nature.

Le vieux monde s’est rassis sur ses vieux fondements, et ç’a été tout. Évidemment la gloire vraie de Donoso Cortès n’est point dans des perspicacités de cet ordre. Elle est ailleurs, et c’est dans son Essai sur le catholicisme qu’il faut la chercher.

Elle est aussi dans cette philosophie de.l’histoire qu’on trouve dès 1849 dans la lettre, datée de Berlin, à