Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/65

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Et de fait, le panthéisme, vous dira M. Émile Saisset est en train de devenir tout à l’heure la philosophie universelle de l’Europe. Que l’Europe le sache ou l’ignore, qu’elle en soit consciente ou inconsciente, elle est en lui, il est elle, il est partout ; il est dans les penseurs, il est dans les artistes, il est même dans les femmes, qui croient à la substance et plaisantent… panthéistiquement ! La France fut assez jeune, dans le temps que M. Cousin n’était pas encore dans les pages de madame de Longueville et commissionnait pour le compte de la philosophie française, la France fut assez naïve (ce n’est pas là pourtant son habitude, mais c’était la France philosophique, il est vrai) pour accepter comme une merveille exotique les germes de l’Hegelianisme rapportés pieusement dans le chapeau ou sous le chapeau de M. Cousin, et cette fleur a donné ses fruits. Qui a goûté du Proudhon, du Taine, du Renan, du Vacherot, les connaît, ces fruits germaniques cultivés par des mains françaises sur un sol français. Ce n’est pas bon, mais c’est demandé, et la philosophie telle que l’enseigne M. Saisset commence à ne plus placer ses produits. Ils paraissent insuffisants, fades et même fadasses aux goûts développés et à la fureur d’un temps dépravé. Il y a des choses qui font trembler M. Saisset. L’accroissement de la personnalité qui s’en va monstrueux, la rage universelle de jouir, et tout de suite. encore, enfin l’activité de l’esprit aiguillonnée, exaspérée par cette rage de jouir, voilà ce que ne saurait diminuer, apaiser ou contenir la philosophie un peu vieillotte, maintenant pour ce faire, qu’on appelle proprement la philosophie française, celle-là qui sortit de