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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/140

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et fouaillait l’amant avec la femme coupable, d’une main plus hardie que pure, il est vrai, mais eux voyaient plus les coups que la main ! C’est ainsi que le trop heureux M. Feydeau a tout eu, et tout de suite, dans les bénéfices de la renommée, et la quantité qu’il ne méritait pas, et la qualité qu’il ne méritait pas davantage, car seul un écrivain de moralité irréprochable pouvait goûter, comme un raffinement légitime dans les jouissances de sa gloire, l’injure exquise des hommes qui n’ont pas le droit d’avoir une pudeur.

Tel fut le succès de Fanny. Que si aujourd’hui je rappelle ce premier livre de M. Feydeau, ce n’est pas pour en tracasser la fortune. La fortune des livres est un destin à la fois souvent drôle et triste, qui divertit et qui mystifie. Fanny a eu le sien, et nous n’y serions pas revenus si Daniel ne nous y ramenait de vive force, Daniel qui pouvait confirmer la gloire exagérée faite à Fanny et qui pourrait bien l’effacer !


VIII

Daniel est un livre de contradiction bien plus que de conscience, et quand je dis conscience, je l’entends dans les deux sens du mot et je parle au double point de vue de la morale et de l’art. L’espèce d’éclair qui avait passé dans l’esprit de M. Feydeau, embrouillé dans les scepticismes et les ignorances religieuses de son siècle, quand il eut le courage de se faire, dans Fanny, bourreau d’adultère, cette espèce d’