Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais dans lequel plutôt sa tête était entrée, en se déformant. Si, dans tout état de cause, la littérature systématique est la pire des littératures, que faut-il penser de celle-là qui pour système a le réalisme ? Eh bien ! M. Duranty est de cette espèce de littérature. C’est, ou du moins c’était, il y a peu de temps, un réaliste, et un réaliste militant. Il fut le plus chaud des chaleureux de son école. Il a soutenu des thèses, fait la poétique de cette anti-poésie et proclamé maintes fois que M. Champfleury, par exemple, était venu pour changer la face de l’univers littéraire au dix-neuvième siècle ! Il battait la grosse caisse devant cette Arche où il n’y avait qu’un seul genre de bêtes. Pour nous, cela n’était pas recommandant !

Sa jeunesse pouvait l’excuser. Il était très-jeune. Aujourd’hui M. Duranty, qui a mis son extrait d’âge en guise de préface, à la tête de son volume, n’a encore que vingt-sept ans. La jeunesse a des admirations qui, — tout le temps qu’elle dure, — ont le charme de sa faiblesse, car, excepté les grands génies originaux qui n’imitent personne, chacun part d’un autre pour arriver… enfin à soi. But lointain, conquête difficile ! Chateaubriand partit de Rousseau pour aller plus haut, comme plusieurs de notre génération sont partis de Chateaubriand sans le dépasser ou sans l’atteindre. Seulement, si ces ivres admirations de la jeunesse font souvent tache, pour toute la vie, sur l’originalité qui s’en essuie plus tard sans en effacer l’influence ; si ces admirations imitatrices sont toujours en raison inverse de la force qu’on a, l’objet, d’ailleurs, en serait-il Gœthe, Lord Byron ou