Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/250

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II

Ouvrez, en effet, où vous voudrez, cette Henriette Gérard. Dès les premières lignes et les premières pages, vous sentirez, quel que soit le livre, quelles que soient les inventions ou les observations qui vont suivre, qu’il y a ici (s’en serait-on douté ?) un écrivain de consistance et de résistance, très-distinct et très-différent de M. Champfleury, qui n’a jamais su, lui, construire une phrase et qui n’en comprend même pas l’organisme.

M. Duranty ne jargonne pas. Il a, — nous le reconnaissons, — une langue correcte et nette, du moins quand il parle en son nom, car il est parfois incorrect, nous dit-il, pour être plus réel, lorsqu’il fait parler ses personnages. Procédé mauvais, du reste, contraire à l’art, et qui d’ailleurs n’est pas nouveau ! Dans ce livre d’une si hideuse beauté qu’il intitula Les Liaisons dangereuses, Laclos fit faire des fautes d’orthographe à Cécile de Volanges pour que ses lettres à Valmont fussent ainsi plus virginales et plus pensionnaires.

On le voit. Le Réalisme n’est pas d’hier. Le principe de cette malpropreté actuelle et solennelle est celui-ci : que la réalité est d’autant plus vraie que sa vérité est plus négligée et plus basse. Ce principe a faussé à plusieurs places le style de M. Duranty, tant l’inspiration et le tempérament sont victimes d’un système !