Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/256

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sortir. J’ai cru qu’il en serait ainsi pour l’auteur d’Henriette Gérard.

Au milieu du monde où il place sa jeune fille et auquel je reproche, en masse, une insupportable médiocrité, j’ai pensé longtemps que si l’amant d’Henriette était, comme amant, aussi médiocre que les autres, comme persécuteurs, Henriette au moins resterait une fille énergique, — et d’une originale énergie, — dont le type, délicatement et profondément compris par M. Duranty, aurait une beauté amère et touchante, suspendue qu’elle est si longtemps entre sa pitié pour des parents qu’elle afflige et le loyal honneur d’une promesse faite a un homme qui a semblé l’abandonner ! J’ai pensé enfin qu’Henriette serait tout le roman, mais il a fallu en rabattre quand j’ai vu ce caractère, soutenu jusque-là, s’affaisser tout à coup au dénoûment du livre et finir par la platitude ordinaire de l’inconséquence, de la faiblesse et de la consolation !

Eh bien ! tout a croulé alors ! Tout a croulé de ce livre frappé dans la seule beauté qu’il pût avoir ; et lorsque je me suis demandé l’explication de cette bévue esthétique dans un homme dont j’affirme aujourd’hui le talent comme écrivain et comme observateur, il a bien fallu me répondre par le réaliste, le réaliste qui se détourne systématiquement de l’idéal !

L’auteur du Malheur d’Henriette Gérard, avec l’amour de son école pour la trivialité, s’est cru très-profond et très-nature, le malheureux ! d’aplatir Henriette, ce caractère qui n’aurait pas été moins vrai quand il serait resté plus ferme, et qui aurait été alors émouvant et beau. Et ce n’est pas tout ! à l’aplatissement