Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/260

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et sévères, mais, — dit le Scandale — deux actes personnels d’un caractère acharné, deux horribles accusations dont l’une a pour visée de déshonorer un homme mort, l’autre de déshonorer une femme vivante.

Avec leur sentimentale et mystérieuse transparence, ces deux titres, Elle et Lui, Lui et Elle, ne sont que des masques de verre à travers lesquels on voit les visages, et ces visages, tout le monde les a reconnus. Tout le monde sait les noms vrais de monsieur Lui et de madame Elle, et tout le monde les a dits, jusque sur les toits ! La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne lait, qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très-bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile, mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot.

Je sais bien cependant qu’on a dit, et c’est même un axiome qui a force de bon sens et force de loi, que la vie privée doit être murée ; seulement, quand c’est elle, la vie privée, qui abat le mur et passe par la brèche ; quand c’est elle, elle que le législateur voulait préserver et défendre, qui déborde dans la vie publique, et fastueusement ou méchamment s’y étale, je ne vois plus ce qu’on lui doit, si ce n’est peut-être le châtiment de l’y suivre et de la montrer.

D’ailleurs, soyons francs une bonne fois : sait-on où commence le mystère, l’arcane, le sanctuaire de la vie privée, dans la destinée exceptionnelle des artistes