Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/278

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La Marguerite de M. Hector Malot, qui est la Leone Leoni en femme, a-t-elle sur sa figure, morale ou physique, un signe quelconque, grand comme une mouche, qui la distingue de toutes ces plates drôlesses qui sont partout et pour lesquelles on s’est épuisé d’invention quand on a dit qu’elles étaient belles comme Antiope, dans leur crinoline ? Le Maurice Berthaud, ce type honteux de l’enfant gâté et de l’artiste, a-t-il au moins l’originalité d’une seule turpitude à laquelle n’aient pas pensé ceux qui lèchent et pourlèchent, depuis des années, soit dans le roman, soit au théâtre, ce type accusateur du dix-neuvième siècle ?

Quand on n’est pas de force à créer un type, il faut ajouter aux types connus que l’on emploie. Or, qu’est-ce qui appartient, en propre, à M. Malot dans la conception de son Maurice Berthaud et de sa Marguerite Baudistel ?… Et autour de ces figures principales, qui sont le fond du roman, en avons-nous au moins quelques autres accessoires, plus neuves, et qui en puissent être l’ornementation ?… Le chevalier de Tréfléan, le curé Hercoët, le médecin matérialiste Michon, la mère de Maurice, la mère, cette sublime ordinaire, à laquelle j’ose demander, au nom de l’art, quelque chose de plus que la même manière de toujours se dévouer et de toujours mourir en pardonnant, ne les avons-nous pas tous rencontrés et coudoyés, non pas seulement dans la vie, mais aussi dans la littérature, et sur un pavé de littérature plus haut que celui sur lequel M. Malot les fait marcher ? Aussi, disons la vérité. Personne n’a le droit de refaire ce que Balzac a fait si bien cent fois, à moins qu’une fois on n’y mette ce que Balzac n’y a pas mis.