Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/284

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que dire de la grosse plaisanterie du Docteur Mathéus, bien moins acre et bien moins renouvelée ?…

Que dire de cette réduction de Don Quichotte en petit homme de bois de Nuremberg, avec le costume allemand d’un professeur d’Université ? M. Chatrian, en voulant imiter Hoffmann, ne lui a pas pris sa sobriété de détail et son moyen si fantastique de faire de l’effet avec un rien, une corde à violon qui casse ou une main qui prend un flacon derrière une fenêtre. Il est, au contraire, surchargé et enluminé, mais, pour peindre avec le bleu et le rouge de Toppfer, il n’a pas la naïveté vive de son enluminure. Dans les contes terribles qui suivent, en queue de singe, L’Illustre Docteur Mathéus ; L’Œil invisible, Le Requiem du Corbeau et La Tresse noire, il n’a pas non plus la sinistre fascination de cet égaré d’Edgar Poë et sa solennité mystérieuse, et c’est ainsi qu’il n’est ni l’un ni l’autre, mais qu’il est pourtant tous les deux.

Et voilà des débuts ! et probablement de la jeunesse ! Des débuts bien sages, laborieux… qui sait ? (laborieux pour imiter, il ne faudrait plus que cela !) mais, s’ils ne sont pas laborieux, honnêtement soignés dans leur facilité ! Avoir fait d’Hoffmann et d’Edgar Poë une combinaison honnête, avoir fait d’Hoffmann, l’halluciné de fumée de pipe, le nerveux suraigu, le labes dorsal qui vécut des années avec une moelle épinière à feu, et d’Edgar Poë, plus étonnant encore, d’Edgar Poë, l’ivresse la plus noire et la plus rouge qui se soit allumée jamais dans une tête humaine sans la faire éclater, le mangeur d’opium arrosé