Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/313

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monstruosités du sujet ?… A mon sens, non. A bien des places, il y a l’erreur ou l’ignorance de la nature humaine, l’inconséquence, la maladresse. Antoine Quérard qui, selon les prétentions du livre, est un grand esprit, se conduit, lui, le plus souvent, la tête carrée, comme une tête vide. Par exemple, quand il introduit le jeune Paul dans sa maison et qu’il le fait vivre avec Rosette, il n’est pas seulement un être stupide, mais il devient un être impossible.

Certes, le premier venu peut planter dans sa maison un beau jeune homme qui lui vole sa femme sous ses yeux. Cela s’est vu. Le fait est commun, et les fabliaux et les comédies parlent gaiement de cette destinée des maris imprudents : mais un Antoine Quérard n’est pas un mari, c’est un amant, et un amant intelligent, coupable, plus vieux que sa maîtresse, et il répugne à sa passion même qu’il établisse gratuitement chez lui M. Paul. Qu’importe, du reste, aux auteurs ? Ce qui les préoccupe et les entraîne, c’est la passion montrée à tout prix, c’est la furie d’un tempérament qu’ils transportent d’eux-mêmes dans les personnages de leur affreux drame. Ils n’y voient plus clair. On peut dire qu’ils ont comme un coup de sang dans les yeux.

Je le lui ai dit déjà, mais je le répéterai spécialement à M. Charles Bataille, qui aujourd’hui collabore avec M. Rasetti et qui fera peut-être tout seul un autre roman demain : qu’il défende son esprit de son tempérament, s’il veut que son talent se forme et grandisse. Il pourrait avoir un jour beaucoup plus de talent, mais son tempérament, voilà l’ennemi ! Je n’ai pas d’autre conseil à donner aujourd’hui à ce fougueux