Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/340

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à propos de ce livre dans lequel je m’attendais à trouver des percées à fond sur les mœurs générales de l’époque actuelle, faites par la plume plus ou moins enragée (oui, j’allais jusque-là ! sans peur) de la femme la mieux placée pour les connaître, je dis qu’il est temps d’en finir avec ce monde écœurant de drôlesses, qui a pris tant d’importance dans les préoccupations des écrivains du dix-neuvième siècle, qu’on dirait qu’en dehors des filles, il n’y a plus en France de mœurs à peindre et de sentiments à étudier.

Et d’autant que de pareils livres, — qui m’ennuient et me dégoûtent, moi, car je pense comme M. Jules Janin, et en fait de vices je voudrais vraiment qu’on m’en servit d’un peu moins bêtes, — n’ennuient pas et ne dégoûtent point la masse des lecteurs, comme le prouve le succès de bruit dont je me plaignais au commencement de ce chapitre. Certainement je vois bien deux raisons à ce bruit d’un livre manqué, comme ces Mémoires d’une femme de chambre : d’abord le pamphlet qui s’y est embusqué, et ensuite le genre même du roman qu’on a voulu écrire. Mais le roman y est tel qu’il pouvait se passer du pamphlet et n’en faire pas moins son petit tapage.

Commencé par des livres où le talent rayonnait encore, le mal de ces misérables romans, qu’on pourrait encore appeler la Photographie de la fille au dix-neuvième siècle, se continue par les livres mal faits et s’achève (comme ici) par les livres ineptes. Le sujet seul du livre suffit pour exciter la curiosité, et, le croira-t-on ? pour la satisfaire ! Eh bien ! ne craignons pas de l’affirmer, si la Critique, oubliant ses devoirs, n’intervient pas avec une cruauté salutaire et ne donne pas