Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/381

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les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir.

Comme les héros de lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’histoire et qui, les jours où l’histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée. Tel est cet officier qui n’a pas trouvé l’occasion de faire la guerre et qui dépense dans la fureur des steeple-chases une force de corps samsonienne et une force de courage égale à la force prodigieuse de son corps. Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! que l’étendue de la lumière complète et que la pureté de toutes les vertus !

Guy Livingstone, le dandy orgueilleux, l’âme invulnérable, le buveur qui eût vidé, sans seulement sourciller, la coupe d’Hercule, n’a été dressé sur sa base d’acier par son inventeur que pour mourir de désespoir sous le simple refus de pardon d’une femme aimée et offensée ! Et cette force, qui fait trembler, mourant