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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/57

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fond des merveilleux édifices qu’il bâtissait, les yeux sur l’avenir.

Cependant, après et même avant cette époque (1833), un peu de désenchantement était tombé, comme une goutte d’eau glacée, dans les illusions de jeunesse et les erreurs à outrance de M. Brucker. Il analyserait certainement mieux que nous les causes de ce désenchantement, mais, après l’émeute de Saint-Merry (1832), ce désenchantement fut visible. La foi aux partis s’en allait de son âme, cette dernière foi que le dix-huitième siècle et la ruine de l’Empire, suivie de la seconde ruine de la Monarchie, avaient laissée pour toute ressource aux générations ! Le scepticisme universel commençait à faire sur cet esprit d’aigle, qui avait soif des splendeurs de soleil de la Certitude, l’effet ténébreux et horrible que Byron a peint avec la grandeur d’un maître dans Darkness. Le suicide qui était dans l’air et dans les cerveaux à cette époque, autour de l’homme et dans l’homme, faillit l’emporter ; mais, au lieu d’allumer le réchaud d’Escousse, M. Brucker alluma dans sa tête ce système, asphyxiant pour les imaginations vives, le Fouriérisme, et c’est ainsi que le suicide de sa vie, il ne l’accomplit que sur sa raison… C’est dans cette orageuse période de sa jeunesse qu’il écrivit avec un talent haletant et convulsé le livre intitulé Mensonge, où la Critique put remarquer un effrayant chapitre intitulé Le Fond des âmes, enlevé dans l’amère et ironique manière d’Henri Heine, un des plus grands poètes qui aient paru depuis Byron, mais une fleur de poésie mortelle aux âmes qu’elle touche, comme le laurier-rose, dont elle a les suavités de teinte et les poisons. Pendant ce temps,