Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/69

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idéalisé ! C’est encore aussi ce Fabrice (de la Chartreuse), ce Julien Sorel d’une autre époque, quand la vie, qui veloute les choses en les usant, eut adouci l’âpre physionomie du premier. C’est, enfin, toujours le produit du XVIIIe siècle, l’athée à tout, excepté à la force humaine, qui voulait être à lui-même son Machiavel et son Borgia ; qui n’écrivit pas, mais qui caressa pendant des années l’idée d’un Traité de logique (son traité du Prince, à lui), lequel devait faire, pour toutes les conduites de la vie, ce que le livre de Machiavel a fait pour toutes les conduites des souverains ; voilà ce que nous retrouvons sans adjonction, sans accroissement, sans modification d’aucune sorte en ces deux volumes de Correspondance, où Stendhal se montre complètement, mais ne s’augmente pas ! Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte, et maintenant acceptée, de cet esprit, moulé en bronze de sa propre main. Dans cette Correspondance, qui n’est pas un livre, qui n’est pas une convention, qui a chance, par conséquent, d’être plus vraie qu’un livre, d’être moins concluante, moins combinée, moins volontaire, Stendhal ne fait pas une seule fois ce que les plus grands génies, — des génies bien supérieurs à lui, — ont fait si souvent dans le tête-à-tête d’une correspondance libre et amie. Il ne se condamne ni ne s’absout ; il ne s’applaudit ni ne se siffle, il ne se reprend en sous-œuvre ni ne monte plus haut que soi pour se juger, et c’est la vérité qu’il s’est appliqué intellectuellement cette maxime affreuse qui fut la sienne : « Ne jamais, jamais se repentir. »