Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/91

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Et elle ne s’en relèvera plus, parce qu’il faut que le roman finisse, car les femmes comme madame Bovary ne s’arrêtent pas à un second amour. Elles ne s’empoisonnent pas. Elles continuent de vivre, de se donner, de se reprendre, de se faisander chaque jour davantage au contact d’ignominieuses caresses, et de réaliser le mot terrible de Diderot : « II y a plus loin pour une femme de son mari à son premier amant que de son premier amant à son dixième. » Le clerc de notaire, M. Léon, ce chérubin bourgeois, qui avait coulé dans le sein de madame Bovary la première impureté brûlante, a quitté Yonville, et achève à Rouen ses études. Madame Bovary, convalescente, ayant vainement cherché une consolation et un appui dans une religion que M. Flaubert, qui doit être, sauf erreur, un incrédule, nous montre à travers un curé ridicule et stupide, rencontre au spectacle, où son mari la mène pour la distraire, ce jeune homme aimé et désiré autrefois ; et alors tous deux, ayant cessé d’être novices, se reprennent tout à coup l’un à l’autre avec la fureur du regret de ne s’être pas saisis plus tôt ! Ce second amour, admirablement caractérisé par M. Flaubert, qui est un véritable nosographe de la corruption, est très-différent du premier de tous les vices acquis, de toutes les lâches habitudes contractées. Madame Bovary, dont les besoins de volupté se réveillent plus âpres du sein des langueurs de la souffrance, recommence avec Léon l’intimité dont elle a joui quelque temps avec Rodolphe. Seulement, elle la veut plus complète, plus profonde, mieux cachée, moins haletante, et, pour cela, elle s’entortille dans toutes les abominations de l’adultère, les manigances, les