Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/58

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J'aime mieux ne pas me coucher que d'être agité sans dormir comme je le serais si je me jetais sur mon lit. On me réveillera demain à quatre heures et demie. Mais je ne dormirai pas.

Je quitte donc Paris, et pour combien de temps ? Le moins longtemps possible. Les conditions nécessaires à une existence, même de quelques mois, en province, me manquent trop. Cependant... mais non ! Tout est irréparable. — Paris ou les longs voyages, voilà ce qu'il faut à un homme aussi ennuyé et aussi vieux que moi. — cette vie de Paris convient si bien à l'ennui des passions trompées. — on marche si nonchalamment sur le sol que tout ce fusain ne garde pas votre trace. Des relations qui se nouent et se dénouent comme une jarretière (emblème souvent ! ), un désaimer facile, des détachements pleins de grâce qui allègent la vie, un scepticisme charmant, et puis cette profonde indifférence qui est l'amabilité suprême, — car les êtres passionnés tourmentent la vie de tout le monde, les indifférents, au contraire ! — quelques mensonges sans importance et sans effort, phraséologie en harmonica à l'usage des gens civilisés, et ils sont aimables comme cette Mme De Vernon (dans Delphine) , l'idéal de la femme des sociétés perfectionnées, la figure la plus fine qui ait jamais été tracée de main de femme ou d'homme, et qui était autrement