Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/140

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dormie qui, chez les vieillards, sait se réveiller à ses heures, passa sans doute sur l’homme qu’elle avait devant elle et l’illumina :

— Mais, — dit-elle en se fronçant et se hérissant, comme si elle eût vu un reptile, — c’est-y pas vous qui seriez l’abbé Sombreval ?

Lui, qui retrouvait dans cette créature sur le bord de sa tombe et qu’il venait d’arracher à une mort certaine, l’indignation universelle, sous sa forme la plus repoussante, la plus cruelle et la plus aveugle, avait croisé ses deux bras, et il regardait la vieille femme, avec le sourcil impartial et profond de l’observateur. Il était le seul qui fût froid en entendant Julie la Gamase. Quant à Néel, il avait senti le long de ses nerfs le frissonnement de Calixte — de Calixte qui ne pouvait pas être plus pâle, mais sur les pommettes de laquelle la honte appuyait la tache rouge de ses doigts ardents.

— Oh ! — dit-elle d’une voix qui aurait attendri les pierres de cette butte, si elles l’avaient entendue, — priez pour le père et la fille, pauvre femme, au lieu de les maudire !

Et, faisant le bien pour le mal, selon le précepte du divin Maître, elle jeta sa bourse dans le tablier de la vieille, en se détournant pour cacher les pleurs qu’elle avait dans les yeux.